19 octobre, 2013

Première adoption homoparentale : pliée en deux mois

La justice française a beau être lente et les tribunaux débordés, c'est en moins de deux mois que le tribunal de grande instance de Lille a accordé à l'« épouse » d'une femme, mère de deux petites filles, l'adoption plénière de celles-ci. Laure et Lise n'ont aucun lien avec leur (ou leurs) père(s) biologique(s), puisqu'elles sont nées à la suite d'une insémination artificielle avec donneur inconnu, procédure pourtant illégale en France puisqu'elle est réservée aux couples mariés ou aux concubins vivant ensemble depuis deux ans au moins et chez qui une infertilité ou une maladie grave héréditaire a été médicalement constatée.

Pour l'heure il apparaît donc que les « épouses » lesbiennes ne peuvent pas accéder à l'insémination artificielle en France. A moins qu'on accepte – et aujourd'hui tout paraît possible – que l'infertilité intrinsèque de la relation homosexuelle puisse être considérée comme ouvrant droit aux techniques de procréation médicalement assistée aux femmes qui les réclament. Mais pour l'heure on n'en est pas là/ Et donc l'adoption des enfants du « conjoint » vient ici et viendra à l'avenir, chaque fois que les enfants sont nés d'une insémination avec donneur, reconnaître un droit assis sur une pratique illégale.

Ne croyez plus que l'on puisse dire en France désormais que la maxime juridique Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (« nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ») est encore d'actualité.

A supposer même que Laure et Lise puissent connaître l'identité de leur père, tous les liens – familial, juridique, d'autorité, d'obligation alimentaire – sont désormais rompus et les enfants sont réputées, par la fiction légale de l'adoption, comme n'ayant pas d'autres parents que leurs « deux mamans » : dans le droit français, il est même possible de changer leurs prénoms…

Qui, de Caroline et Pascale A., « mariées » en juin, est la mère biologique ? Il ne semble pas que la couple ait voulu communiquer sur ce point ; les deux femmes ont d'ailleurs laissé la publicité donnée à leur affaire être gérée par l'association de parents gays et lesbiens (APLG) dont elles sont adhérentes. Et celle-ci a attendu le jour de la décision du Conseil constitutionnel rejetant la demande de droit à l'objection de conscience, le 18 octobre, pour alerter les médias.

La requête avait été déposée au TGI de Lille par les deux femmes « immédiatement » après leur « mariage » en juin et elle a reçu une réponse positive dans des délais extraordinairement courts – moins de deux mois – de la part du juge aux Affaires familiales. Les associations du lobby sont folles de joie : à la fois en raison de la rapidité de la décision et du fait qu'il s'agit d'une première, et donc d'une décision qui a « énormément d'impact », comme le souligne Doan Luu, responsable médias de l'APGL. L'inter-LGBT parle aussi d'un « grand pas en avant ».

Les associations ne sont pas satisfaites pour autant puisque le passage devant le juge demeure obligatoire pour l'adoption de l'enfant du conjoint.
« L’APGL regrette que cette première forme de reconnaissance des familles homoparentales s’établisse par une requête au terme d’une procédure à laquelle participe le Procureur de la République et dans laquelle une enquête sociale peut être demandée par le juge. Nos enfants n’ont pas besoin d’un jugement pour savoir qui sont leurs parents ! »
L'association réclame donc toujours ce qu'elle n'a pas obtenu dans un premier temps par le biais de la loi Taubira : l'extension de la « présomption de paternité », qui fait du mari légitimement marié le père putatif de tout enfant né de sa femme, dont la maternité est toujours certaine (sauf substitution d'enfant, mais ne coupons pas les cheveux en quatre !).

La présomption de paternité avait pour but de protéger la famille légitime et d'assurer la stabilité de celle-ci comme de la société, quitte à laisser quelques enfants adultérins passer entre les mailles, et être considérés comme légitimes alors qu'ils ne l'étaient pas.

Mais on sait que les droits prioritaires reconnus aux enfants légitimes ont été successivement démantelés jusqu'à ne plus signifier grand chose.

Pour autant, supposer que la compagne d'une femme puisse être la « vraie mère » de l'enfant née de son « épouse » pousse quand même un peu loin le bouchon de la torture du droit (ne parlons même pas de la réalité).

Mais on y viendra, vous verrez.

Quant aux couples mariées mâles, on attend de voir ce qu'ils inventeront.

PS. Pour la prochaine fête des mères, Pascale et Caroline ne l'ont peut-être pas réalisé, mais elles risquent de se retrouver à la tête de quatre colliers de nouilles…

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